[EN VIDÉO] Les conseils de Thomas Pesquet pour devenir astronaute Thomas Pesquet : « Je ne me suis pas interdit de m'inscrire à toutes les sélections, je ne me suis pas interdit de le faire, et c'est ça qui est important »
L’hibernation humaine. En science-fiction, elle est maîtrisée. Mais dans la vraie vie, nous en sommes loin. Peut-être un tout petit peu moins, grâce à des travaux présentés récemment. Ceux de chercheurs qui ont induit, pour la première fois, de manière fiable, une hypothermie chez des primates.
En science-fiction, c'est monnaie courante. Pour permettre à des humains de survivre à de longs voyages interstellaires, ils sont placés en état d'hibernation. Mais pour la science, l'idée reste un défi. Les stratégies de différents mammifères qui s'adaptent ainsi à des conditions hivernales difficiles continuent d'être passées au crible. Et des chercheurs de l’institut de technologie avancée de Shenzhen (Chine) annoncent aujourd'hui avoir franchi « une étape importante sur le long chemin vers l'hibernation artificielle ».
L'hibernation des astronautes ne sera bientôt plus de la science-fiction
Ils ont activé, par manipulation chimiogénétique, des neurones excitateurs dans la zone préoptique de l'hypothalamus - connue chez la souris pour son rôle régulateur de la température corporelle - de macaques crabiers (Macaca fascicularis). Et ce faisant, ils ont, pour la première fois, obtenu, de manière fiable, une hypothermie artificielle - l'une des caractéristiques essentielles de l'hibernation - chez un primate. Même s'il reste non humain.
Voici comment les neurones préoptiques entraînent l’hypothermie, mais déclenche aussi des mécanismes de défense contre le froid, ainsi qu’un exemple de l’application potentielle dans les vols spatiaux. © Institut de technologie avancée de Shenzhen
Des neurones au cœur du processus
Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, les chercheurs ont surveillé un ensemble complet de paramètres physiologiques et biochimiques et procédé à une analyse comportementale. Mais pour réellement savoir ce qui se jouait dans le cerveau de leurs macaques, ils les ont étudiés grâce à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). De quoi identifier plusieurs régions impliquées dans la thermorégulation et l'intéroception. Comprenez l'ensemble des sens qui, consciemment ou non, perçoivent l'état interne du corps.
Des chercheurs de l’institut de technologie avancée de Shenzhen (Chine) ont compris comment induire une hypothermie chez un primate. Une étape vers l’hibernation artificielle. © Chumphon, Adobe Stock
L'expérience montre que les neurones excitateurs conservés au cours de l'évolution dans la zone préoptique sont également conservés sur le plan fonctionnel. Et qu'ils jouent un rôle essentiel dans la thermorégulation dans le cerveau des primates. Mais les chercheurs ont observé que l'hypothermie induite entraîne chez le macaque crabier, une augmentation de la fréquence cardiaque, des frissons de ses muscles squelettiques et une augmentation de la locomotion. Des données qui indiquent que le mécanisme de thermorégulation des primates est plus complexe que celui des souris qui, elles, ont tendance à diminuer leur activité et leur fréquence cardiaque lorsqu'elles sont placées en hypothermie.
L’ESA prépare des modules d’hibernation pour ses astronautes contrôlés par une IA et inspirés de l’ours
L'humanité a posé le pied sur la Lune. Mais s'arracher vraiment à nos racines terrestres constitue toujours un défi. Et l'hibernation pourrait nous aider à y arriver. Si nous parvenons à copier les stratégies de l'ours, estiment aujourd'hui des chercheurs.
Des chercheurs de l’Agence spatiale européenne (ESA) travaillent à développer des techniques qui pourraient permettre de mettre les astronautes en état d’hibernation. © roman3d, Adobe Stock
Il y a quelques jours, nous avions découvert -- voir l'article plus bas -- comment les astronautes pourraient tirer profit des astuces développées par des écureuils pour mieux supporter de longs séjours dans l'espace. Aujourd'hui, l'Agence spatiale européenne (ESA) nous apprend qu'elle envisage l'hibernation comme une technique qui pourrait révolutionner les vols spatiaux.
L'hibernation des astronautes ne sera bientôt plus de la science-fiction
Lorsqu'ils hibernent, les animaux réduisent leur fréquence cardiaque, leur respiration et d'autres fonctions vitales. Ils mettent leur métabolisme en sommeil. Une manière efficace d'économiser de l'énergie. Et les chercheurs de l'ESA engagés dans le programme d'exploration humaine de l'espace estiment que réduire sur ce schéma l'activité métabolique d'un équipage en route pour la planète Mars ne serait-ce qu'à 25 % de son activité normale, réduirait considérablement les besoins en eau et nourriture tout comme les besoins en espace de vie.
Les chercheurs avancent même que cette forme d'hibernation aiderait à limiter l'ennui, le sentiment de solitude, le stress et ainsi les niveaux d'agressivité liés au confinement dans un engin spatial. Des questions qui se posent nécessairement lorsqu'il s'agit d'embarquer un équipage pour un voyage de plusieurs années, loin de la Terre et vers une planète hostile.
Les travaux menés par les chercheurs sur l’hibernation appliquée aux astronautes sur le modèle de l’ours pourraient bénéficier à des malades sur Terre qui nécessitent des interventions chirurgicales lourdes et longues. © Robert Lupano, Adobe Stock
Le modèle de l’ours
D'avis d'expert, les tardigrades, les grenouilles ou les reptiles sont des champions de l'hibernation. Mais l'ours pourrait bien représenter le meilleur modèle s'il s'agit d'adapter la technique aux humains. Car sa masse corporelle est plus proche de la nôtre que celle des petits animaux cités plus haut. Et qu'il a pour habitude de ne faire descendre sa température corporelle que de quelques degrés. Une habitude considérée plus sûre pour nous.
Ainsi, comme le font les ours, les chercheurs encourageraient les astronautes à faire des réserves de graisse avant de se plonger en hibernation. Et, contrairement à ce qu'il peut se passer lorsqu'un humain reste six mois dans son lit, les scientifiques estiment que l'hibernation prévient l'atrophie musculaire et osseuse et protège contre les lésions tissulaires. Ainsi les ours ne mettent que 20 jours pour récupérer leurs capacités après six mois de jeûne et d'immobilisation.
Les chercheurs de l’ESA notent que des niveaux de testostérones plus bas semblent favoriser l’hibernation. Ainsi les femmes deviendraient de meilleures candidates aux vols spatiaux de longue durée. © Nasa
Une intelligence artificielle pour veiller au grain
Les scientifiques de l'ESA imaginent déjà concevoir des sortes de nacelles à coque souple dans lesquelles les astronautes pourraient prendre place pour vivre en douceur cette phase d'hibernation qui les emmènerait jusqu'à Mars. Dans un environnement apaisant, avec des lumières tamisées, une température basse -- moins de 10 °C -- et une humidité élevée. Laissant les astronautes tout de même totalement libres de leurs mouvements. Autour de ces capsules, les chercheurs envisagent de placer une sorte de bouclier d'eau, pour les protéger des radiations.
Une intelligence artificielle se chargera, elle, de gérer des opérations de routine, mais aussi les anomalies et les urgences. Elle surveillera les consommations d'énergie ainsi que les constantes des astronautes. Bref, elle s'assurera que l'équipage arrive sain et sauf à destination.
Cette découverte ouvre la voie à l’hibernation pour les astronautes
Le spermophile rayé. Ce petit écureuil sait faire ce que les astronautes les mieux entraînés sont incapables de réaliser. Il sait maintenir sa masse musculaire pendant plusieurs mois. Alors même s'il a cessé toute activité. Y compris celle de se nourrir. Des chercheurs viennent de comprendre comment il réalise cette prouesse.
Article de Nathalie Mayer paru le 31/01/2022
Des microbes présents dans l’intestin du spermophile rayé lui permettent de recycler l’azote uréique pour éviter l’atrophie musculaire pendant les longs mois d’hibernation. © BGSmith, Adobe Stock
Le spermophile rayé. C'est un petit écureuil tout mignon. Il vit en Amérique du Nord. Et pour lui, l'hibernation, c'est sacré. Dès le début de l'autonome, il s'endort. Pour ne se réveiller qu'à la fin du printemps. Il passe ainsi près de la moitié de l'année sans boire ni manger. Même s'il arrive à ralentir son métabolisme jusqu'à 99 %, il perd tout de même dans l'aventure, la moitié de son poids.
Les chercheurs se sont longtemps demandés, comment, dans ces conditions, le spermophile rayé réussissait à maintenir sa musculature. Afin d'être pleinement d'attaque dès la sortie de son hibernation. La curiosité du scientifique. Mais aussi avec en tête l'idée de proposer de nouvelles solutions aux personnes souffrant de troubles musculaires. Ou aux astronautes amenés à effectuer des séjours prolongés dans l'espace.
Les premiers humains auraient survécu aux hivers rigoureux en hibernant
Car c'est connu, un animal - y compris un humain - qui ne fait pas d'exercice voit ses muscles - mais aussi ses os - s'atrophier et perdre de la masse et de la fonction. Car le corps décompose alors les protéines musculaires en un ammonium lui-même concentré ensuite en urée. Une urée qui finit par être excrétée sous forme d'urine.
Les animaux qui n'ingèrent aucune protéine pendant leur hibernation doivent trouver un autre moyen d'offrir à leurs muscles ce dont ils ont besoin pour soutenir leurs fonctions. Et dans le cas particulier des spermophiles rayés, se réveiller prêt pour la saison des amours et les efforts qu'elle demande. C'est justement l'un de ces moyens qu'une équipe internationale de chercheurs vient de détailler.
Au-delà de l’espace, une nouvelle piste thérapeutique
Ils ont injecté de l'urée enrichie d'isotopes de carbone (13C) et de l'azote (15N) traçables dans le sang de spermophiles rayés durant l'été puis au début et à la fin de leur hibernation. Pourquoi de l'urée ? Parce que les chercheurs savaient déjà que de l'azote - élément essentiel pour les acides aminés et les protéines - peut être tiré de l'urée par certains microbes intestinaux. Un processus connu depuis les années 1980 sous le nom de récupération de l'azote uréique. Les chercheurs voulaient donc savoir si la partie de cet azote qui ne sert pas directement aux microbes peut alors être utilisée par les écureuils.
Les chercheurs ont effectivement retrouvé de leur azote tracé dans le foie et dans les muscles des écureuils. Sauf chez ceux dont le microbiote intestinal avait été artificiellement appauvri. De quoi prouver que le processus de récupération de l'azote uréique est bien le fait des microbes intestinaux et non des écureuils eux-mêmes. Avec des molécules marquées qui passent d'abord du sang à l'intestin où l'urée est décomposée par le microbiote puis des métabolites à l'animal avant de finir en protéines musculaires. Et plus l'hibernation se prolongeait, plus les chercheurs ont noté la présence, dans l'intestin des écureuils, de microbes capables de libérer de l'azote à partir d'urée.
L’hibernation des astronautes ne sera bientôt plus de la science-fiction
Forts de ces résultats, les chercheurs envisagent déjà les appliquer aux futurs astronautes embarqués pour des missions spatiales au long court. Pour leur éviter des pertes musculaires dommageables - et d'autres dangers d'un vol spatial comme les rayonnements ionisants -, ils pourraient être placés dans un état d'hibernation. De quoi aussi économiser de la nourriture, de l'eau et de l'oxygène et produire moins de déchets.
Ces travaux pourraient aussi ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques pour ceux qui souffrent de sarcopénie liée à l'âge ou de malnutrition protéique. Car les chercheurs estiment depuis les années 1990 que les mécanismes de récupération de l'azote dans l'urée sont fonctionnels chez les hommes. Une nouvelle situation dans laquelle une intervention ciblée sur le microbiote pourrait permettre de se sortir de quelques impasses. Même s'il faudra encore du travail pour traduire le mécanisme naturel mis en œuvre par les spermophiles rayés en thérapie efficace et sûre pour les humains.
- L’ESA prépare des modules d’hibernation pour ses astronautes contrôlés par une IA et inspirés de l’ours