L'armée de l'air des États-Unis passe la vitesse supérieure pour l'utilisation de systèmes d'intelligence artificielle. Motivé par l'essor fulgurant du secteur et par sa compétition avec la Chine, autre grande puissance technologique, le Pentagone veut expérimenter des aéronefs pilotés par des systèmes automatisés. Le New York Times indique que l'US Air Force serait prêt à mobiliser un budget de 5,8 milliards de dollars pour les cinq prochaines années dans l'objectif de construire entre un et deux milliers d'appareils de ce type.
Parmi cette nouvelle génération de drones et d'avions, qui pourrait être opérationnelle d'ici cinq à dix ans, figure le drone de combat furtif XQ-58A Valkyrie. "Sa mission est de combiner l'intelligence artificielle et ses capteurs pour identifier et évaluer les menaces ennemies, puis, après avoir obtenu l'aval d'un humain, de procéder à l'exécution", détaille le quotidien américain. D'autres appareils pourront se voir attribuer des missions spécifiques : surveiller, réapprovisionner, épauler et couvrir un avion piloté par un humain…
Sous-traitance dans la conception
Moins coûteux à la fabrication que des avions de guerre classiques, ceux-ci pourrait être construits pour 3 millions de dollars l'unité. Ce qui, en plus d'épargner des vies humaines, permettrait selon l'armée de l'air américaine de justifier le remplacement des pilotes sur certaines missions particulièrement périlleuses. Le Pentagone estime en somme que ses premiers investissements en matière d'aéronefs pilotés par des systèmes automatisés sont "abordables".
Mais la conception de ces appareils est majoritairement externalisée. D'après le New York Times, de nouveaux sous-traitants viennent perturber "la suprématie de longue date de la poignée d'entreprises géantes qui fournissent aux forces armées des avions, des missiles, des chars et des navires". De plus, les logiciels qui équipent les drones sont fournis à part. Kratos, General Atomics et Boeing sont pressentis pour les concevoir.
Des tests avant un déploiement
Mais avant de passer commande, l'US Air Force tâte le terrain. Un test est prévu cette année au niveau du Golfe du Mexique : un drone Valkyrie se verra ordonner de prendre en chasse et d'éliminer une cible ennemie en vol. L'appareil ne sera pas armé pour cet essai qui vise surtout à mettre à l'épreuve son logiciel et sa capacité de vol.
Le Valkyrie est furtif, peut survoler une distance équivalente à la largeur de la Chine et peut porter des missiles longue distance. Rester dominant face au pays de Xi Jinping est d'ailleurs l'un des objectifs premiers de cette montée en puissance technologique. Les militaires américains en sont conscients, ils devront à cet égard s'inspirer de l'adversarial machine learning et anticiper les stratégies mises en place par leurs potentiels ennemis pour confondre les systèmes de vol ou les retourner contre leurs détenteurs.
Questionnements éthiques
Du reste, l'armée américaine se heurte à des considérations éthiques. Les drones remplaceront-ils à terme les humains et leurs capacités décisionnelles avec des modèles d'IA entraînés pour "tuer et survivre" ? Le Pentagone promet que ce n'est pas le projet et que, quand bien même les pilotes seraient relégués au second plan et épargnés des missions les plus dangereuses, ils garderont la main sur le comportement des aéronefs.
En effet, aucune décision, par exemple concernant un bombardement, ne pourra être prise de façon automatique par un système. L'humain sera toujours en bout de chaîne pour choisir. Cette doctrine rappelle celle adoptée en France par la Gendarmerie nationale, qui intègre progressivement des modèles d'intelligence artificielle à ses missions et sait que le sujet est sensible. Mais l'application offensive de cette technologie est d'autant plus controversée. En juillet, le secrétaire général de l'ONU avait d'ailleurs promis de bannir l'usage de l'IA dans les armes de guerre.
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