©FLEMAL JEAN-LUC
Une carte blanche de Fabienne Marchal, Présidente de REScoop Wallonie, Fédération wallonne des coopératives citoyennes d’énergie renouvelable.
Il y a parfois de belles histoires qui s'écrivent tout simplement et commencent bien. Laissez-nous vous la conter.
Ils étaient donc quelques-uns à rêver, à œuvrer, à s'engager, depuis si longtemps. Pour plus de citoyenneté, plus de démocratie, plus de solidarité, plus de liberté, moins de changement climatique. Ils pourraient être vous. Alors ils ont réuni leurs petits moyens, se sont rassemblés autour de valeurs fortes, ont partagé leurs talents, ont investi quelques économies. Ils se sont organisés en Coopératives Citoyennes d'énergie renouvelable sur le modèle REScoop, se sont réapproprié, un peu, le vent, la biomasse, le soleil, l’eau. Ils ont financé leurs propres outils de production d'énergie et disaient : comme elle est belle, notre éolienne ! Chaque jour elle nous rappelle que l’électricité est précieuse, qu’il ne faut pas la gaspiller.
Ces citoyens ont même créé Cociter, leur fournisseur d'électricité, bouclant le circuit court de l’énergie verte. Alors est venue la crise de l'énergie. Ils ont refusé de faire des surprofits, quoi de plus naturel ? Satisfaits avec un petit dividende, ils ont limité le prix de vente de leur électricité à Cociter pour que tous les coopérateurs puissent profiter de tarifs de fourniture plus raisonnables. Eh oui, maintenant leur modèle tire le prix de l'électricité vers le bas ! Même que d'autres consommateurs sont nombreux à les rejoindre. Meilleur marché et 20/20 chez Greenpeace, que demander de plus !
Nos élus prévoyants ne sont pas en reste dans ce conte, ils ont même émis en 2013 une recommandation pour favoriser 25% de participation citoyenne dans la production de l'énergie éolienne en Wallonie ... OK, en Allemagne les Coopératives Citoyennes pèsent pour plus de 50 %, mais il faut bien un début à tout.
Mais dans les belles histoires, il y a toujours des passages plus sombres, n'est-ce pas ? De fait, en Wallonie, les citoyens ne représentent que 3 % de la production éolienne. Car voilà, Goliath veille, Goliath n’a pas trop envie de partager… Pour avoir accès aux éoliennes et à la pleine maîtrise de l’électricité produite, les Coopératives Citoyennes doivent « payer cher » (au sens propre ou au sens figuré) à la plupart des sociétés privées qui développent des projets. C’est même souvent simplement impossible. Et voici comment le combat de David est saboté.
Alors quand le prix de l'électricité s'envole, à la plus grande joie de certains... nous ne savons pas pour vous, mais nous, nous éprouvons de la colère envers tout ce qui maintient un mécanisme pervers. Là-dedans aussi, les certificats verts octroyés par la Région Wallonne au renouvelable, l’impact sur le territoire, le soutien financier historique (seulement historique ?) au nucléaire, tout cela payé par les citoyens mais nourrissant des sociétés étrangères.
Donc ces citoyens, qui ont montré l'efficacité d'un modèle vertueux, se sont tournés en toute intelligence collective vers les détenteurs du pouvoir, pour les avertir qu’il faut que cela change, que les citoyens ont des droits sur les communs que sont les sources d’énergie renouvelable. Mais voilà, bien que les circonstances climatiques, géopolitiques et économiques modifient inéluctablement les scénarios traditionnels, nos élus semblent inattentifs aux compétences des citoyens et à la pertinence du modèle qu’ils ont démontré, condescendants pour certains, ou peut-être trop occupés par des jeux politiques.
Actuellement, le gouvernement wallon négocie la Pax Eolienica pour un développement plus rapide et plus harmonieux de l'éolien. A ce stade, aucun signe d’une intention de bétonner par des mesures contraignantes l'accès citoyen à cette ressource stratégique. Auront-ils enfin le courage de légiférer en ce sens ? Comment cela va-t-il basculer ? Allons-nous vivre un rêve de héros courageux ou subir un cauchemar lâchement écrit ?
Il y a parfois de belles histoires qui s'écrivent tout simplement, il faut œuvrer pour qu'elles se terminent bien.
>>> Titre de la rédaction. Titre original : L’histoire contée de l’énergie citoyenne