Comment réveiller les imaginaires ?
En pratiquant l’art d’écrire des micro-dystopies ! C’est en tout cas la réponse que propose François Houste, l’auteur des Mikrodystopies.
Développer l’imaginaire technologique et critique
Pour lui, “les robots colonisent notre quotidien. Les voitures sont déjà autonomes et les grille-pains ne vont pas tarder. Les implants cérébraux transhumaniseront chacun et chacune en individu augmenté. À moins qu’un grain de sable…
Les [micro-dystopies] décrivent des situations insolites en un texte ultra court, quelques caractères, et projettent dans un futur pas si lointain où les réseaux sociaux, les robots et les intelligences artificielles auront réellement envahi notre quotidien. […] Chaque situation de ce quotidien futuriste y est décrite en 280 caractères, pas un de plus, espaces compris. C’est la taille d’un tweet mais cela permet déjà de faire passer beaucoup d’idées et d’imaginaires. Et cette contrainte rend l’exercice d’écriture et de concision d’autant plus ludique et intéressant.”
“Le robot de la bibliothèque municipale aurait été l’assistant idéal s’il n’avait pas pris l’initiative de censurer certains ouvrages de science-fiction qu’il jugeait offensants.”
Selon François Houste, l’écriture de micro-dystopies est un exercice qui sert simultanément trois objectifs pédagogiques.
D’abord, il permet de développer l’imaginaire, à travers la découverte ou la redécouverte des codes propres aux utopies et aux dystopies et la “proje[ction] dans une situation fictionnelle à partir de technologies déjà existantes”.
Ensuite, il permet d’aller droit au but ; en ne disposant que de très peu de caractères, il faut réussir à inventer “une situation cohérente et pertinente”, en soignant aussi bien l’accroche que la chute.
Enfin, écrire une micro-dystopie est un moyen efficace pour développer un “esprit critique” vis-à-vis de la société actuelle. En jouant avec les technologies qui existent aujourd’hui, on en révèle d’autant mieux les dérives potentielles en les mettant en scène dans un récit prospectif efficace.
Dans le cadre de son cycle de prospective en cours, la Fondation Internet nouvelle génération s’est intéressée à l’écriture de micro-dystopies. Pour le think et do tank qui porte la voix d’un numérique “ouvert, humain et responsable”, l’exercice peut également servir de levier pour mettre chaque individu en capacité de participer aux débats sur le numérique (et la technologie en général) d’aujourd’hui et de demain.
Les consignes de l’atelier d’écriture
L’objectif de l’atelier, tel qu’imaginé par Sarah Medjek et Juliette Grossmann, est le suivant : construire une micro-dystopie en moins de 280 caractères en partant de l’une des phrases suivantes…
“Je me lève de mon lit et comme d’habitude…”
“J’ai faim, il faudrait que…”
“Il est 19 heures, l’heure pour moi de…”
Pour commencer, il s’agit de choisir un (ou plusieurs) outil numérique et d’en décrire le pire usage (et ses conséquences). Par exemple, on imaginera une situation dans laquelle une paire de lunettes intelligentes, un masque rajeunissant, un presse-agrume (ou un autre ustensile) connecté, un influenceur virtuel, etc. deviendra incontrôlable.
Côté style d’écriture, on privilégiera la première personne et on décrira une situation du quotidien : le petit-déjeuner, une sortie entre amis, un repas de famille, etc. Point positif : toutes les situations se prêtent à la dystopie car elles sont toutes susceptibles d’être chamboulées par la technologie !
Petit conseil : commencez par chercher l’inspiration dans votre propre quotidien.
Trois exemples de micro-dystopies
Les micro-dystopies suivantes ont été publiées par les participants à l’atelier #dystocratie du 11 mai 2021 :
« Je me lève de mon lit et comme d’habitude je vérifie dans l’écran intégré à mon miroir l’impact de mes influenceurs virtuels personnels sur ma notoriété numérique. Véritable concentré de technologie, cet outil rare et coûteux m’est devenu indispensable pour continuer à exister professionnellement»
« J’ai faim, il faudrait que je me prépare quelque chose à manger, et vite. je laisse mon presse-agrume faire le reste. Il se remémore la dernière vidéo de mon influenceur favori où il est question d’entomophagie. Erreur d’interprétation, le robot retient “anthropophagie”. il s’attaque à moi et mutile mon petit doigt. le modèle : un yakuza 21.»
« Il est 19h et il est temps pour moi de tester mon nouveau masque rajeunissant. Grâce aux conseils de mon influenceuse virtuelle préférée, je m’installe sur mon canapé, le masque sur le visage pour 30 min de pose. Mais après une sieste de 2h, me revoilà avec le visage de mes 15 ans…boutons d’acné compris.»
Maintenant, c’est à vous de réveiller vos imaginaires et d’imaginer de nouvelles micro-dystopies ! Et si vous voulez aller encore plus loin, pourquoi ne pas vous mettre à l’écriture d’une fiction prospective ?