Selon ses partisans, cette tarification qui consiste à moduler le prix de l'eau en fonction de la consommation d'un ménage, permet de réduire significativement les usages. Elle doit toutefois être accompagnée de mesures sociales, notamment pour ne pas pénaliser les familles nombreuses.
L’idée d’une tarification progressive de l’eau fait son retour en cette période de sécheresse. Alors qu'une centaine de communes françaises sont privées d'eau potable et doivent être approvisionnées par des camions-citernes, les partisans de ce dispositif estiment qu'il permettrait de réduire significativement les usages et donc de mieux traverser les périodes de sécheresse.
La mesure est portée par certaines formations politiques, comme la France insoumise ou EELV (Europe Écologie - Les Verts), et soutenue par une récente mission de l'Assemblée nationale confiée aux députés Lionel Causse (LREM) et Hubert Wulfranc (PCF). Depuis deux lois de 2010 et 2013, les communes ont la possibilité de moduler ainsi leurs tarifs pour les rendre progressifs. Mais peu de collectivités s'en sont emparées.
La tarification, ça change quoi ?
Dans la plupart des communes, la facture se compose de deux parties. Il y a une part fixe, qui correspond à l'abonnement. Et une part variable, qui correspond à la consommation multipliée par le prix d'un mètre cube d'eau, dont le montant est en principe le même pour tous les usagers d'une commune.
L'idée de la tarification progressive est d'agir sur la part variable, en modulant le prix du mètre cube en fonction de plusieurs seuils de consommation. En clair, les premiers mètres cubes d’eau potable coûtent peu cher, et le prix augmente ensuite. L’objectif poursuivi est double. Il s'agit de réduire la consommation globale, tout en redistribuant l'eau en faisant en sorte que les gros utilisateurs consomment moins, et que les petits puissent consommer un peu plus s'ils en ont besoin.
En pratique, ça donnerait quoi ?
Favorable à l'idée, une mission flash de l'Assemblée nationale proposait une grille en février dernier. Pour la comprendre, gardons en tête qu'une personne consomme en moyenne 54 m3 d’eau par an pour son usage domestique et qu'un ménage de quatre personnes utilise donc en moyenne 216 m3 par an.
Les parlementaires proposaient une première tranche entre 0 et 80 m3, qualifiée « d’eau essentielle » dont le tarif serait symbolique, notamment pour les ménages modestes. Une seconde tranche, dite « d'eau utile », couvrirait les besoins jusqu’à 200 m3, à un prix inférieur à ce qu'il est actuellement. Au-delà, une dernière tranche, qualifiée de « confort », serait facturée plus cher.
Est-ce que ça fonctionne ?
Une étude, dirigée par l'économiste Alexandre Mayol, s’est penchée sur le cas de la commune de Dunkerque, qui a mis en place une tarification progressive en 2012. Les conclusions de ce rapport rendu en 2017 montrent que l’introduction d’un tarif progressif décroît la consommation globale de 9 %. Dans le détail, les petits usagers augmentent leur consommation de 11 %. Les consommateurs moyens ont tendance à réduire légèrement leur usage, et celui des gros consommateurs diminue de près de 13 %. Il y a donc un effet significatif.
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Toutefois, si elle n’est pas accompagnée de mesures sociales, la tarification progressive pénalise fortement les familles nombreuses, en particulier si elles sont modestes. Ces ménages ont en effet très peu de marge pour réduire leur consommation. La mission flash de l’Assemblée recommande donc d’accompagner le dispositif d’aides financières, accessibles automatiquement. De manière générale, les parlementaires ont en effet relevé un taux élevé de non-recours aux aides pour l’accès à l’eau potable. Pour y remédier, ils recommandent de s’inspirer de l’exemple de la ville de Grenoble, qui verse directement les aides sur les comptes bancaires des bénéficiaires.
Les députés Lionel Causse et Hubert Wulfranc préconisent aussi de mieux encadrer le tarif des abonnements. À défaut, la facture des ménages risquerait de grimper très sérieusement avec le passage à la tarification progressive. En moyenne, un abonnement au réseau coûte 58 euros en France, mais il peut s’élever jusqu’à 156 euros, auxquels il faut ajouter les coûts d’ouverture et de fermeture des compteurs, qui grimpent parfois jusqu’à 50 euros.
Quels obstacles ?
En s'appuyant sur l'exemple de Dunkerque, la mission parlementaire relève que la mise en place de la tarification progressive et d'un système d'aides sociales peut avoir un coût prohibitif pour certaines collectivités. De plus, le dispositif nécessite un calibrage assez précis. En France, le service de l'eau doit être à l'équilibre budgétaire : c'est une obligation légale du Code collectivités territoriales. Cela signifie que la réduction du prix accordée à certains usagers doit être compensée par une hausse des recettes auprès d'une autre catégorie.
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Toute la difficulté est donc d'anticiper correctement l'effet du système, pour ne pas plomber les comptes des collectivités locales. Dans les prochaines années, celles-ci devront en plus largement renouveler le réseau d'eau potable, parfois très ancien et qui présente des problèmes de fuites. À Dunkerque, les recettes du service d'eau avaient beaucoup augmenté après la mise en place de la tarification. Cela avait suscité des critiques, qui voyaient derrière ce dispositif une manière de faire des profits. Dans un article publié dans la Revue économique, les économistes Alexandre Mayol et Simon Porcher soulevaient toutefois l'hypothèse que cette augmentation puisse être liée à une erreur de calibrage.
