Series Crossing into the unknown Increasingly, the traditional distinctions between refugees, asylum seekers, forced and economic migrants are becoming less clear as people move from one country to another for a combination of reasons. In some cases, these may include fear of persecution, but often they also include the wish to improve economic prospects or reunite with family members. More of this in-depth coverage
JOHANNESBURG
Quel sera le futur de la migration internationale ? Le changement climatique et l’accroissement de la demande de main d’œuvre en Europe vont-ils entraîner une augmentation du nombre de migrants d’ici à 2030 ? Ou la croissance économique rapide et le développement des pays d’origine des migrants les encourageront-ils à rester chez eux ?
Les experts de la migration ont identifié les multiples facteurs qui conduisent des personnes à quitter leur pays pour s’installer à l’étranger, mais ils ont des difficultés à prédire la façon dont ces facteurs évolueront au fil du temps, affectant les futures tendances migratoires.
En conséquence, les politiques migratoires et les interventions portent en général sur le court terme et restent réactives, particulièrement dans les régions instables, comme celle de la Corne de l’Afrique, où un nombre croissant de personnes décident de migrer vers le Yémen et vers des pays plus lointain en raison de facteurs économiques, sociaux, politiques et environnementaux.
« On agit trop souvent en réaction à la migration. De manière générale, elle est perçue comme un problème qu’il faut régler et comme un phénomène à court terme qui va disparaître », a dit Christopher Horwood, coordonnateur du Regional Mixed Migration Secretariat (RMMS), basé à Nairobi. « Tout le monde sait que les frontières sont poreuses et difficiles à contrôler, mais il n’y a aucun projet [pour y remédier] et aucun débat régional non plus ».
Améliorer les prévisions relatives à la migration
Afin d’améliorer la compréhension à long terme de la migration, le RMMS s’est associé à l’Institut des migrations internationales (IMI) de l’université d’Oxford pour développer des scénarios sur l’avenir de la migration dans la Corne de l’Afrique pour les 20 prochaines années.
Déçus par les traditionnels modèles de projection des tendances migratoires – qui se basent principalement sur les données démographiques et économiques pour produire des estimations quantitatives des flux migratoires futurs – les chercheurs de l’IMI ont été les premiers à utiliser une méthode innovante pour élaborer des scénarios.
« Lorsque nous nous sommes intéressés aux prévisions relatives à la migration, nous avons constaté qu’il y avait des insuffisances », a expliqué Simona Vezzoli, membre de l’équipe de recherche Global Migration Futures de l’IMI. « Ces approches…ne prennent pas en compte les facteurs qui ne sont pas quantifiables et les facteurs qui sont très incertains ».
Mme Vezzoli et ses collègues souhaitaient développer un modèle plus flexible permettant d’incorporer tous les facteurs pertinents à la migration tout en prenant en compte certaines incertitudes liées à l’avenir. Ils ont décidé d’adapter une méthode d’élaboration de scénarios généralement utilisée par des organisations privées afin de développer des stratégies pour des contextes commerciaux futurs.
Un aspect essentiel de la méthode suppose la prise en compte de relatives certitudes quant aux tendances qui façonnent la migration dans des régions données, comme la probabilité de croissance économique soutenue dans une grande partie de la Corne de l’Afrique, l’amélioration des niveaux d’alphabétisme, et les populations caractérisées par de fortes proportions de jeunes adultes qui tendent à migrer. Ces « grandes tendances » sont ensuite combinées avec des facteurs très incertains, mais qui peuvent avoir un impact important sur la migration future, comme une plus grande coopération entre les gouvernements régionaux ou les conséquences de la croissance de la population urbaine.
« On ne peut pas prédire l’avenir, et ce sont toujours les évènements imprévisibles qui ébranlent le monde », a commenté M. Horwood. « Depuis la mise en œuvre de ce projet, [le Premier ministre éthiopien] Meles Zenawi est décédé …et des élections ont été organisées avec succès en Somalie. Ces deux évènements nous semblaient improbables il y a six mois, mais ils changeront peut-être la donne ».
La méthode s’appuie sur la réunion d’experts régionaux de la migration, d’acteurs du secteur privé et du secteur public, de groupes de la société civile et d’universitaires afin d’élaborer des scénarios potentiels. « Il s’agit d’un débat portant sur l’avenir, donc les gens ont tendance à baisser leur garde et à évoquer toutes les possibilités », a dit Mme Vezzoli. « Cela leur donne une opportunité de faire le lien entre des facteurs qui, selon eux, n’étaient pas liés entre eux ».
Briser les mythes
Un rapport final sur la migration future dans la Corne de l’Afrique et au Yémen soutient que les taux de migration dans la région sont toujours relativement faibles, mais qu’ils pourraient augmenter.
Contrairement aux idées reçues, la capacité et la volonté des personnes de migrer pourraient s’accroître si la région continue de bénéficier d’une plus grande stabilité politique et d’un meilleur développement économique. À l’inverse, l’accroissement de la pauvreté constituerait un facteur de réduction de la mobilité des migrants.
« C’est l’une des principales idées reçues dans lesquelles les décideurs de la région s’enferment », a dit M. Horwood, « l’idée selon laquelle la stabilité en Somalie va permettre de vider les camps de réfugiés et la croissance économique en Éthiopie encouragera les Éthiopiens à ne jamais quitter leur pays ».
En réalité, l’écart est tel entre les aspirations de populations de plus en plus éduquées et la capacité de leur pays d’origine à leur offrir des opportunités que les migrants continueront à quitter la Corne de l’Afrique pour trouver un emploi et bénéficier d’opportunités au cours des deux prochaines décennies.
Le rapport présente deux scénarios migratoires futurs pour la région jusqu’à 2030. Le premier scénario est caractérisé par une forte instabilité politique et des niveaux élevés de violence, une croissance économique élevée, mais erratique et inégale, due à un boom dans les industries extractives de la région et une dégradation de l’environnement à grande échelle. Ces facteurs devraient engendrer un flux continu de réfugiés, un taux élevé de migration urbaine et une augmentation du nombre de personnes migrant vers les pays du Golfe, l’Europe, l’Amérique du Nord, la Chine et l’Inde. En raison de l’inégalité croissante, les familles les plus pauvres pourraient être exclues de la migration vers l’étranger.
Le second scénario est caractérisé par la paix et la stabilité, ainsi que par une croissance économique lente, mais régulière et une réduction de l’inégalité des revenus. Ces conditions devraient entraîner le retour d’un nombre important de réfugiés, la région devenant une destination pour les demandeurs d’asile. Toutefois, l’accroissement des opportunités d’éducation et l’amélioration de l’accès aux technologies de télécommunication et aux transports encourageront sans doute bon nombre de jeunes gens à migrer vers l’Europe, les pays du Golfe, l’Afrique du Nord et la Chine pour bénéficier d’un meilleur niveau de vie et de meilleures opportunités.
Les deux scénarios, qui sont très différents l’un de l’autre, montrent comme l’explique M. Horwood que, « la migration est loin de disparaître », et que « les gouvernements doivent [la] gérer au lieu de se contenter d’y réagir comme s’il s’agissait d’une sorte de maladie ».
Promouvoir la flexibilité
Selon Mme Vezzoli, le défi est de trouver un moyen de présenter les principaux points du rapport au grand public et aux gouvernements « sans donner l’impression qu’il s’agit de l’avenir ».
Le projet a en effet pour objectif d’encourager les décideurs politiques à faire preuve de davantage de flexibilité dans leur attitude et dans leurs politiques migratoires.
« Une décision politique vous enferme dans une certaine position et il est très difficile de changer de direction lorsque la situation évolue », a expliqué Mme Vezzoli. « Nous leur conseillons de prévoir plusieurs possibilités lorsqu’ils élaborent une politique afin d’être prêts à prendre un peu de recul et à changer de trajectoire ».
Elle a pris pour exemple le Royaume-Uni, dont la politique actuelle a pour objectif de réduire autant que possible la migration en durcissant les modalités d’entrée dans le pays pour les étudiants et les universitaires internationaux. « C’est une vision à court terme », a-t-elle dit à IRIN, « car à l’avenir, il y aura une forte concurrence pour les personnels hautement qualifiés ».
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