Une équipe affirme avoir réalisé une téléportation quantique en zone métropolitaine à une vitesse record. Crédits : Pixabay/geralt
Une équipe de chercheurs chinois est parvenue à transférer des états quantiques à la vitesse record de 7,1 qubits par seconde sur plusieurs dizaines de kilomètres, au sein d'un réseau métropolitain ! Ces résultats marquent une étape décisive vers les réseaux quantiques et les futures applications informatiques basées sur l’intrication quantique.
Une équipe de chercheurs chinois a mis au point un nouveau système de téléportation quantique « grande distance ». Ils sont parvenus à transférer des états quantiques à la vitesse record de 7,1 qubits par seconde sur plusieurs dizaines de kilomètres ! Ces résultats marquent une étape décisive vers les réseaux quantiques. De plus, ils ouvrent la voie aux futures applications informatiques qui constitueront l’Internet quantique.
La téléportation quantique est au cœur des technologies de communication quantique. Elle consiste à transférer des informations quantiques d’un système à un autre système distant, grâce à l’intrication quantique. Ce phénomène désigne le fait que l’état quantique de chaque particule d’un groupe dépend des autres. Les particules forment un système lié, quelle que soit la distance qui les sépare. Depuis la fin des années 1990, plusieurs expériences ont permis de démontrer la téléportation quantique. Les systèmes basés sur l’optique quantique, en particulier, offrent une voie prometteuse vers les réseaux quantiques. Mais malgré les progrès récents, un système de téléportation quantique à haut débit sur des réseaux de fibre optique métropolitains reste actuellement hors de portée.
Une première en zone métropolitaine
Pour exploiter tout le potentiel de la téléportation quantique, les états quantiques doivent être fidèlement transférés à un rythme élevé sur de longues distances. Le transfert et la récupération d’états cohérents et d’états non classiques ont été réalisés expérimentalement avec des modes optiques dans des systèmes à variables continues. Cependant, la distance entre l’expéditeur et le destinataire n’excédait pas une dizaine de kilomètres. Au-delà, l’intrication devient instable et le risque de décohérence – donc de perte d’informations – augmente.
Pour envisager des réseaux quantiques à l’échelle mondiale, la distance de distribution des états quantiques doit être considérablement étendue, jusqu’à des milliers de kilomètres. Et ce, en considérant des systèmes à variables discrètes. Jusqu’à présent, cela a été réalisé sur plusieurs mètres à plus de mille kilomètres.
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L’utilisation d’un satellite Micius en orbite basse a par exemple permis de réaliser une téléportation quantique sur plus de 1200 kilomètres. Ce satellite est exploité dans le cadre du projet de recherche Quantum Science Experiment Satellite (QUESS). Il s’agit d’une mission de validation de principe spécialement conçue pour faciliter les expériences d’optique quantique sur de longues distances. Malgré des résultats impressionnants, il n’existe pas encore de système de téléportation quantique dont la vitesse puisse atteindre l’ordre du Hertz.
Or, une telle vitesse de transfert est indispensable pour faire progresser le développement des réseaux quantiques et envisager les applications futures de l’Internet quantique. Une équipe de physiciens chinois rapporte avoir atteint cet objectif. « Nous démontrons ici un système de téléportation quantique qui transfère des états quantiques portés par des photons indépendants à un taux de 7,1 ± 0,4 Hz sur un canal de fibre optique de 64 km de long », résument-ils dans Light Science & Applications.
Une mesure efficace des états de Bell
L’équipe a amélioré le taux de téléportation en se basant sur l’Internet quantique métropolitain n°1 de l’Université des sciences et technologies électroniques de Chine (UESTC). Il s’agit d’un nouveau record pour un système de téléportation quantique en zone métropolitaine. « La démonstration de la téléportation quantique à grande vitesse en dehors d’un laboratoire implique toute une série de défis. Cette expérience montre comment ces défis peuvent être relevés et constitue donc une étape importante vers le futur Internet quantique », a déclaré le professeur Qiang Zhou, dans un communiqué.
L’équipe a mis en œuvre un système de téléportation à trois nœuds, reliés par fibre optique. Alice (A) se trouve dans la salle de commutation du réseau. Deux laboratoires distincts hébergent Bob (B) et Charlie (C). Toutes les fibres reliant les trois nœuds appartiennent au réseau de l’UESTC. Le principal défi expérimental d’un système de téléportation quantique est la mesure des états de Bell ou BSM. Ces derniers correspondent aux états d’intrication maximale de deux particules.
a) Photographie aérienne du campus de l’UESTC indiquant les distances entre Alice, Bob et Charlie. b) Schéma du système de téléportation. Crédits : Shen et al., Light Science & Applications (2023)
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Alice prépare l’état initial avec une source faiblement cohérente de photons uniques. Elle envoie les états quantiques créés à Charlie, situé à 400 mètres, via un canal quantique de 22 km. Le récepteur d’informations quantiques, Bob, situé à 210 mètres de Charlie, partage avec ce dernier une paire de qubits photoniques intriqués. Les photons libres sont distribués sur 22 km de fibres supplémentaires jusqu’à Charlie. Celui-ci effectue la BSM entre les qubits envoyés par Alice et Bob, via un séparateur de faisceaux de fibre. Enfin, Bob reçoit le résultat via un canal classique.
Une fidélité de téléportation bien supérieure à la limite classique
Pour générer les paires de photons intriqués, l’équipe a utilisé un guide d’ondes en niobate de lithium à polarisation périodique. Associé à des filtres anti-bruit, ce guide d’ondes a permis d’obtenir une source de lumière quantique intriquée de haute qualité.
Pour réussir la mesure, les photons d’Alice et de Bob devaient être indiscernables une fois arrivés chez Charlie. Or, ceci est difficile dans le cas de la téléportation quantique à longue distance. L’équipe a donc développé un système automatique de rétroaction. Celui-ci visait à stabiliser la différence de longueur de trajet et la polarisation des photons. « L’indiscernabilité spatiale et spectrale est assurée par l’utilisation de fibres monomodes et de filtres à réseaux de Bragg identiques pour les deux photons », ajoutent les chercheurs.
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Une telle téléportation quantique à grande vitesse nécessite également des capteurs de photons ultra sensibles. C’est pourquoi les chercheurs ont utilisé des détecteurs de photons uniques à nanofils supraconducteurs de haute performance.
Enfin, l’équipe a estimé la fidélité de téléportation via la « tomographie des états quantiques » et la « méthode d’état leurre ». Elle s’élève dans chaque cas à plus de 86 % et 90,6 % respectivement. Ces valeurs sont bien supérieures à la fidélité maximale obtenue en régime classique (66,7 %). Elles confirment la réussite de la téléportation quantique métropolitaine à grande vitesse. « Notre travail établit la possibilité d’une transmission d’informations quantiques à grande vitesse, qui sert de modèle pour la construction d’un réseau quantique métropolitain et, à terme, d’un Internet quantique mondial », concluent les chercheurs.
