Article Abonné La zone de couverture du satellite américain ViaSat ciblé par une cyberattaque russe le 24 février. Axlsite (Creative Commons 3.0)
Il est 3h02 GMT, 5h02 en Ukraine, ce 24 février, lorsque les techniciens de l'opérateur américain ViaSat détectent un flot de données singulièrement élevé montant vers son satellite KA-SAT. Depuis son orbite géostationnaire, cet engin de six tonnes distribue ses faisceaux en une centaine d'ellipses s'étendant du Maroc à la mer Caspienne, jusqu'aux pays nordiques. Ce matin-là, une attaque russe passe par les équipements au sol opéré par Skylogic, une filiale du Français Eutelsat. Les hackeurs profitent d'une vulnérabilité dans la configuration d'un équipement de réseau. Nul ne sait depuis combien de temps la porte a été forcée - c'est tout le charme des cyberattaques : on en découvre l'ampleur lorsqu'il est trop tard pour agir.
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Au centre de contrôle de Turin en charge du KA-SAT, les techniciens de Skylogic assistent, médusés, à la destruction en direct de milliers de modems touchés par le signal pirate. En quarante-cinq minutes, 30 000 terminaux de toute sorte sont mis hors service. Les instructions envoyées par les attaquants corrompent la mémoire centrale des terminaux, qui sont alors transformés en "briques" irréparables. Parmi eux, les consoles de communication mobiles utilisées par l'armée ukrainienne, qui sont évidemment les premières cibles de l'attaque russe. L'ennui est qu'il y a des dommages collatéraux. "C'est le problème avec les cyberattaques, elles bavent toujours", note un spécialiste. En l'espèce, celle du 24 février a contaminé 5800 éoliennes appartenant à l'opérateur allemand Enercon - elles étaient connectées à ViaSat.
Dans les jours qui ont suivi, Elon Musk est entré dans le jeu avec l'envoi de terminaux Starlink aux Ukrainiens. La constellation de SpaceX, en cours de déploiement, a été rapidement modifiée pour couvrir l'Ukraine et aujourd'hui, 10 000 terminaux sont en service. La Russie a répliqué par une tentative de brouillage du signal des 2 000 satellites Starlink. SpaceX a dû envoyer un patch - une rustine logicielle - vers ses appareils en orbite, puis reconfigurer ceux qui s'apprêtaient à partir.