En une heure et grâce à des outils de reconnaissance faciale accessibles librement, la société française Tactical Systems Académie a pu identifier un combattant tchétchène envoyé en renfort des troupes russes sur les champs de bataille ukrainiens. Un exemple parmi de nombreux autres de ce qu'un internaute peut faire de chez lui pour documenter cette guerre.
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Avec une connexion cellulaire restant opérationnelle sur pratiquement tout le territoire ukrainien et des milliers de vidéos et de clichés publiés en temps réel sur les réseaux sociaux, la guerre en Ukraine est un terrain propice au développement de ce que l'on appelle l'OSINT (Open Source Intelligence), c'est-à-dire le renseignement en sources ouvertes. Avec les données disponibles et quelques outils accessibles à tous, tout un chacun peut révéler des informations concernant les pertes de matériel ou d'hommes, ou encore l'emplacement des unités et les zones bombardées par l'armée russe. C'est d'ailleurs ce qui a rendu célèbre le site Bellingcat, dont les travaux des investigateurs ont permis d'établir que c'est bien un missile russe qui avait abattu le vol MH17 de la Malaysian Airlines au-dessus du Donbass en 2014, et d'identifier les auteurs impliqués dans ce drame.
L'un des outils de l'OSINT durant ce conflit repose sur la reconnaissance faciale. Certains services sont accessibles au grand public, comme FindClone, qui permet de reconnaître le visage de certains soldats russes et de les retrouver sur l'équivalent russe de Facebook, VKontakte. C'est ainsi que la société française Tactical Systems Académie a pu identifier en à peu près une heure, Hussein Mezhidov, un commandant tchétchène envoyé sur le front ukrainien. La reconnaissance faciale de FindClone a permis de retrouver une photo de ce combattant à proximité du président tchétchène Kadyrov sur son compte Instagram. Cette société française, qui travaille notamment pour l'armée française, a également employé plusieurs autres outils, comme le moteur de recherche de visage PimEyes pour confirmation. Interrogé par Wired, l'un des responsables de Tactical Systems Académie a précisé que ces recherches menées par la communauté OSINT permettent de suivre les mouvements des individus et que s'ils se savent traqués, cela pourrait permettre d'éviter qu'ils commettent des crimes de guerre.
Sur son fil Twitter, Tactical System explique comment l’équipe est parvenue à identifier précisément un commandant tchétchène impliqué dans la guerre en Ukraine aux côtés de l’armée russe. © Twitter
Alors que ce travail de reconnaissance faciale était auparavant réservé aux seuls services de renseignement, aujourd'hui tout le monde peut le faire de chez soi. Le souci, c'est que l'authentification est parfois hasardeuse et certaines personnes peuvent être mal identifiées par les amateurs d'OSINT. Dans ce cas, et puisque les données sont partagées de façon ouverte, cela peut engendrer des conséquences sur des personnes et leurs familles qui n'ont rien à voir avec la cible. C'est pourquoi, pour parer les erreurs des algorithmes de reconnaissance faciale, l'utilisation de plusieurs outils de recherche ainsi que l'attention d'un regard humain expérimenté sont indispensables.
Mais ces outils de reconnaissance faciale permettent aussi de limiter certains actes de propagande. Ainsi, un média ukrainien prétendait dernièrement qu'un pilote de chasse russe capturé par l'armée ukrainienne avait été identifié sur une photo alors qu'il se trouvait aux côtés de Vladimir Poutine et de Bachar al-Assad en Syrie en 2017. En utilisant un puissant moteur de reconnaissance mis au point par Microsoft, Bellingcat a conclu qu'il ne s'agissait pas de lui, même s'il y avait une grande ressemblance.