Depuis quelques années, l’éolien se développe partout dans le monde afin de proposer une alternative plus durable à la production d’électricité. En 2019 en France, 6,3% de l’électricité du territoire a été produite par le parc éolien, soit 21,2% de plus par rapport à l’année précédente. Il reste bien évidemment de nombreux challenges à surmonter mais la progression mérite d’être soulignée. Parmi ces challenges, on pense à la réaction des consommateurs qui ne sont pas toujours en faveur de la construction d’éoliennes (aspect visuel, nuisances sonores, etc.), mais aussi à la recyclabilité des pales produites. L’association belge From Waste to Wind a été créée pour palier ces défis. Elle s’appuie sur la fabrication additive, et plus particulièrement le dépôt de matière fondue, pour concevoir des éoliennes à partir de plastique recyclé. Nous avons rencontré son fondateur Bram Peirs afin d’en savoir plus sur ce projet ambitieux !
3DN : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre lien avec l’impression 3D ?
Bonjour, je m’appelle Bram et je suis le fondateur de l’organisation à but non lucratif From Waste to Wind. J’ai acquis une expérience précieuse au sein du gouvernement flamand, où j’ai surveillé les effets environnementaux des grandes éoliennes. Aujourd’hui, je souhaite mettre à la disposition du public, avec ma propre entreprise, une éolienne imprimable en 3D open-source. From Waste to Wind a déjà pu compter sur un prix international et un soutien supplémentaire du Fonds climatique d’Anvers, en Belgique.
Bram Peirs tient une pale d’éolienne imprimée en 3D
3DN : Comment l’aventure From Waste to Wind a-t-elle commencé ? Quelle est l’idée qui se cache derrière ?
J’ai constaté au sein du gouvernement flamand que les éoliennes rencontrent encore beaucoup de résistance. Pourtant, il existe déjà des règles assez strictes pour limiter l’impact des éoliennes sur l’environnement. Mais les gens ne les connaissent pas. Ils craignent que les éoliennes provoquent des nuisances sonores et bloquent leur vue, et n’en veulent donc pas dans leur jardin. Je voulais que les gens les regardent différemment. J’ai d’abord fabriqué moi-même des éoliennes à partir de vieux barils, avec des aimants provenant de vieux disques durs. J’adorais être capable de faire quelque chose à partir de rien. J’ai rencontré d’autres personnes sur Internet qui essayaient de fabriquer la même chose que moi et c’est comme ça que les choses ont commencé.
Nous travaillons maintenant avec Time Circus, un collectif artistique qui construit toutes sortes de choses avec des matériaux recyclés. Ils gèrent également Loods 21 et Bar Paniek en Belgique. J’ai appris que leur éolienne faite maison avait une pale cassée. Je l’ai restaurée. Les premières pales étaient faites de tuyaux d’égout en PVC, qui ne sont pas très résistants aux UV. Elles fonctionnaient aussi trop bien, ce qui faisait tomber le générateur en panne. J’ai alors eu l’idée d’imprimer les pales en 3D. J’ai acheté une imprimante pour 200 euros et j’ai pu travailler avec les gens d’un Fablab en Belgique.
Crédits photo : From Waste to Wind
L’impression plastique n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît parfois, elle peut rétrécir et se déformer. Il nous a fallu quelques mois avant d’en venir à bout. Mais à un moment donné, nous avions imprimé une éolienne entièrement sur-mesure, conçue par nous-même, en pièces de 20x20x20 cm, le volume maximal de notre imprimante. Cette éolienne fonctionne bien depuis quelques mois. Elle nous a valu un prix de 10 000 dollars à Hackaday, une plateforme internationale pour les créateurs innovants. C’était un joli coup de pouce pour nous. Cela a également confirmé que les gens sont intéressés par le fait de pouvoir construire eux-mêmes quelque chose de ce genre.
En même temps, nous avions également créé l’association From Waste to Wind. Nous voulons lever la barrière des énergies renouvelables et de l’énergie éolienne à petite échelle en particulier, et rapprocher la production d’énergie des gens. Notre modèle économique consiste aujourd’hui principalement à faire de la recherche et à sensibiliser les gens. Nous le faisons avec des prix et des subventions. Jusqu’à présent, cela a plutôt bien fonctionné. Nous avons également reçu une subvention du Fonds pour le climat de la ville d’Anvers. C’est extrêmement important pour pouvoir continuer à travailler sans dépendre d’investisseurs qui veulent que nous fassions des bénéfices. Nous pouvons tracer notre propre voie et nous concentrer pleinement sur notre objectif social.
3DN : Comment utilisez-vous l’impression 3D aujourd’hui ?
Nous avons installé un plateau d’impression d’un mètre de long sur la petite Anycubic I3 Mega avec lequel nous avons commencé. C’était un véritable défi à bien des égards : le plateau doit être chauffé, ce qui le fait rétrécir et se dilater. De plus, les câbles d’alimentation doivent parcourir une plus grande distance.
Un prototype d’éolienne en rPET (crédits photo : From Waste to Wind)
Le gros avantage du grand plateau d’impression est que nous pouvons imprimer des pales d’un mètre de long en une seule pièce. De plus, l’impression horizontale de la pale est beaucoup plus solide que l’impression verticale, car l’adhésion entre les couches n’est pas aussi forte. Nous avons également installé Marlin sur notre imprimante, mais les fonctions plus exotiques comme le nivellement manuel du plateau présentaient de nombreux bugs. Finalement, nous avons réussi à le faire fonctionner avec une version plus ancienne. Cela nous a permis d’imprimer notre deuxième prototype.
3DN : Selon vous, l’impression 3D est-elle plus durable ? Peut-elle contribuer à réduire notre consommation de plastique ?
Bien sûr ! Tout d’abord, il y a le problème du recyclage des pales. Lorsqu’elles sont en fin de vie après 20 ans, la fibre et la résine ne peuvent pas être séparées. La seule chose que l’on puisse en faire est de les broyer et de les mettre en décharge ou de les réutiliser dans l’asphalte. Aux États-Unis, elles sont enterrées dans une décharge :
Les pales en plastique pur peuvent être entièrement recyclées, contrairement à celles renforcées de fibre de verre que d’autres fabricants utilisent. Nous avons délibérément choisi de ne pas imprimer avec un plastique renforcé par des fibres, car avec les moyens de recyclage actuels, le plastique reste « contaminé » et son potentiel de réutilisation est bien moindre. Le seul inconvénient est que nous nous retrouvons avec une pale légèrement plus lourde, mais ce n’est pas grave si tout est bien équilibré.
Mais nous devons utiliser l’impression 3D à bon escient. Aujourd’hui, beaucoup de déchets sont créés juste pour le plaisir d’imprimer. Ensuite, il y a l’origine des matériaux, qui est rarement claire. Par exemple, le biomatériau PLA doit être cultivé quelque part dans le monde, puis il est transporté vers une installation industrielle où il est transformé en filament, et j’oublie probablement quelques étapes. C’est pourquoi nous utilisons du rPET qui est fabriqué à partir de PET recyclé, le même plastique que celui utilisé pour les bouteilles en plastique. Il doit être recyclé de toute façon et il est déjà disponible localement. Il présente également de meilleures propriétés mécaniques que le PLA.
Crédits photo : From Waste to Wind
Enfin, les pales de cette taille sont généralement fabriquées avec un moule et sont complètement solides. L’impression nous permet de rendre la lame partiellement creuse et d’économiser du plastique.
3DN : Quels sont les futurs projets de From Waste to Wind ?
Nous pourrions très rapidement mettre en place une ligne de production d’éoliennes hors réseau (non connectées au réseau électrique) d’un diamètre de 2 mètres. Mais il y a encore tant de nouveaux matériaux et techniques prometteurs. Nous voulons fabriquer des éoliennes plus grandes, de 4 mètres, qui produiraient 50 % de l’énergie d’une famille moyenne. La complémentarité avec le photovoltaïque est avantageuse en Europe occidentale.
Nous voulons connecter toutes les éoliennes à l’informatique afin que le « prosommateur » puisse voir à tout moment combien son éolienne produit, mais aussi les paramètres de sécurité, comme les vibrations. C’est pourquoi nous fabriquons nos propres contrôleurs MPPT, qui seront entièrement open-source ! En fin de compte, notre modèle économique sera probablement un peu plus mixte que purement open-source. Nous pensons qu’un bon produit se vendra tout seul.
3DN : Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Nous apprécions tout type de retour et commentaire sur notre association et façon de travailler et nous avons besoin de soutien. N’hésitez pas à vous rendre sur notre site ou à nous écrire un mail à info@fromwastetowind.com !
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