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Une équipe de chercheurs chinois a découvert une nouvelle forme de carbone, dénommée AM-III, si résistante qu’elle peut rayer la surface d’un diamant ! Ce matériau incroyablement résistant présente également des propriétés semi-conductrices, ce qui ouvre la voie à de nombreuses applications industrielles, y compris dans le domaine du photovoltaïque.
Le carbone a toujours fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques. En effet, par la variété de ses formes allotropiques – dont les plus connues sont le graphite et le diamant – le carbone est l’un des éléments les plus fascinants. Le diamant a toujours été considéré comme le matériau naturel le plus dur ; sa dureté Vickers est située entre 50 et 70 gigapascals (GPa), et jusqu’à 100 GPa pour les diamants artificiels. Mais le matériau transparent présenté par l’équipe chinoise dans National Science Review atteint une dureté de 113 GPa !
Un matériau d’une dureté extrême et semi-conducteur
Dans le diamant, les atomes de carbone (C) sont empilés de façon à former des structures tétraédriques ; chaque atome se trouve au centre d’un tétraèdre, dont les quatre sommets sont occupés par quatre autres atomes. Dans cet empilement, les liaisons C-C sont très fortes, rendant le cristal très compact et donc particulièrement dur. De plus, tous les électrons sont ici localisés et fortement liés, ce qui explique pourquoi le diamant n’est pas conducteur d’électricité.
À température et pression standards, le carbone se trouve sous forme de graphite, une structure constituée de réseaux plans parallèles (des graphènes) dans lesquels les atomes de carbone sont placés aux sommets d’hexagones adjacents. Chaque atome de carbone est ainsi fortement lié à trois autres atomes par des liaisons covalentes de type sigma, tandis que son quatrième électron de valence participe à une liaison pi délocalisée.
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Dans cette structure, la cohésion entre les plans (séparés de 0,33 nm) n’est assurée que par les forces de London, qui sont des forces relativement faibles. Ainsi, les plans peuvent facilement glisser les uns par rapport aux autres et le graphite s’avère beaucoup plus « tendre » que le diamant. Parce qu’il comporte des électrons non localisés et très mobiles, le graphite est également conducteur d’électricité.
À partir d’échantillons de fullerène à 60 atomes – une autre forme répandue de carbone – soumis à haute pression (25 GPa) et haute température (jusqu’à 1200°C), une équipe de scientifiques de l’Université de Yanshan, en Chine, est parvenue à développer une nouvelle forme de carbone, dont la structure est bien plus désorganisée que celle du diamant. Ce matériau amorphe, baptisée AM-III, présente non seulement une très grande dureté, mais s’est avéré semi-conducteur, avec une bande interdite de 1,5 à 2,2 eV – comparable à celle du silicium amorphe largement utilisé aujourd’hui.
Un large éventail d’applications possibles
Les matériaux amorphes, que l’on appelle également « solides non cristallins », comprennent les plastiques, les gels et le verre ; autrement dit, des matériaux qui ne sont pas vraiment reconnus pour leur dureté, ni pour leur résistance. Mais en expérimentant différents arrangements d’atomes à partir des fullerènes, les chercheurs ont réussi à créer un matériau amorphe particulièrement robuste. Pour ce faire, ils ont soumis les fullerènes à une température et une pression toujours plus élevées, provoquant la déformation de ces structures sphériques et le réarrangement des atomes les constituant.
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Des tests mécaniques complets ont démontré que le carbone AM-III nouvellement synthétisé est le matériau amorphe le plus dur connu à ce jour. « Il présente des propriétés mécaniques exceptionnelles, comparables à celles du diamant et sa dureté, comme sa résistance, dépassent celles de tous les autres matériaux amorphes connus », précisent les auteurs de l’étude. Ainsi ce matériau pourrait par exemple être utilisé par l’armée et les forces de police en tant que vitre pare-balles. Il pourrait même servir à fabriquer des écrans de smartphones, rendant ces derniers véritablement inrayables et incassables ! En résumé, l’AM-III pourrait être intéressant pour toutes les applications nécessitant un matériau ultra résistant. D’autant plus qu’il est possible de le produire et de le façonner en différentes tailles et formes.
Par ailleurs, sa conductivité électrique permet d’envisager de l’inclure dans la fabrication de dispositifs photoélectriques, de surcroît s’ils sont destinés à être utilisés dans des conditions climatiques extrêmes ; en effet, l’AM-III ne se déforme pas même face aux éléments extérieurs. « L’émergence de ce type de matériau de carbone amorphe […] offre d’excellents candidats pour les applications pratiques les plus exigeantes et appelle à une exploration expérimentale et théorique plus poussée des allotropes de carbone amorphe », concluent les chercheurs. Cependant, plusieurs années de recherche seront sans doute nécessaires avant de voir un tel matériau être produit à l’échelle industrielle.